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Conséquences des PFAS sur la santé humaine : ce que disent les dernières études scientifiques

Conséquences des PFAS sur la santé humaine : ce que disent les dernières études scientifiques

Conséquences des PFAS sur la santé humaine : ce que disent les dernières études scientifiques

PFAS : des « polluants éternels » qui s’invitent dans notre sang

On les appelle les « polluants éternels ». Ce n’est pas un surnom de film catastrophe, mais la réalité chimique des PFAS, ces substances per- et polyfluoroalkylées qui persistent dans l’environnement… et dans notre organisme. Depuis quelques années, la littérature scientifique s’empile, et elle raconte une histoire assez simple : plus on étudie les PFAS, moins on est rassuré.

La question n’est plus vraiment de savoir si ces composés ont un impact sur la santé humaine, mais à partir de quel niveau d’exposition, et pour quelles maladies en priorité. Les dernières études sont de plus en plus précises – et souvent plus inquiétantes que les précédentes.

Alors, que nous disent vraiment ces travaux récents ? Et surtout : que pouvons-nous faire, à notre échelle, dans un monde où ces molécules sont partout, des poêles de cuisine aux nappes phréatiques ?

PFAS, c’est quoi exactement ? (Et pourquoi on en trouve jusque dans l’Arctique)

Les PFAS forment une grande famille de plus de 4 700 substances synthétiques. Leur point commun : une chaîne de carbone liée à du fluor, un des liens chimiques les plus solides qui soient. Résultat : ces produits ne se dégradent quasiment pas dans la nature.

Ils sont utilisés parce qu’ils repoussent l’eau, la graisse et les salissures, et résistent à la chaleur. On les retrouve notamment dans :

Le problème, c’est que ces substances migrent : elles se retrouvent dans l’air, l’eau potable, les sols, la chaîne alimentaire. On détecte aujourd’hui des PFAS dans le sang de populations vivant loin de toute industrie, jusque dans les régions polaires. À l’échelle planétaire, c’est le scénario parfait d’une contamination diffuse et quasi irréversible.

Ce que disent les dernières études sur la santé humaine

Les premières alertes sur les PFAS remontent aux années 1990 avec des études menées autour d’usines aux États-Unis. Depuis, les cohortes se sont multipliées : populations exposées professionnellement, riverains de sites pollués, échantillons nationaux, femmes enceintes, enfants. Les résultats convergent.

Cancers : des signaux trop forts pour être ignorés

Parmi les PFAS les plus étudiés, le PFOA (acide perfluorooctanoïque) est aujourd’hui classé comme cancérogène avéré pour l’être humain (groupe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC, 2023). Le lien est jugé solide avec plusieurs cancers, notamment :

Des méta-analyses publiées entre 2020 et 2023 confirment que les personnes les plus exposées au PFOA et au PFOS (un autre PFAS anciennement très utilisé) présentent un risque accru de ces cancers, même à des niveaux d’exposition qualifiés de « faibles » il y a encore dix ans.

Les chercheurs observent aussi des associations avec :

Pour certains de ces sites, la force de la preuve est encore jugée « limitée », mais le faisceau d’indices s’épaissit. La tendance des experts est claire : mieux vaut parler de substances « potentiellement cancérogènes » plutôt que de faire comme si de rien n’était.

Hormones, métabolisme et cholestérol : l’empreinte silencieuse des PFAS

Les PFAS sont considérés par de nombreuses équipes comme des perturbateurs endocriniens. Ils interfèrent avec les hormones thyroïdiennes, sexuelles et métaboliques.

Plusieurs études de grande ampleur, notamment aux États-Unis et en Europe, montrent que des concentrations sanguines plus élevées de PFAS sont associées à :

En 2022, une étude de cohorte publiée dans Diabetes Care a par exemple montré que l’exposition cumulée à plusieurs PFAS était associée à un risque significativement plus élevé de développer un diabète de type 2 chez des femmes d’âge mûr, même après correction pour le poids, l’alimentation et l’activité physique.

Autrement dit : ces substances ne se contentent pas de flotter passivement dans notre sang ; elles semblent modifier en profondeur notre métabolisme.

Grossesse, fertilité et développement de l’enfant

Les PFAS traversent le placenta et se retrouvent dans le sang du cordon ombilical ainsi que dans le lait maternel. Les études menées depuis une quinzaine d’années, et consolidées par plusieurs revues systématiques récentes, pointent vers des effets préoccupants :

Une revue de 2023 publiée dans Environmental Health Perspectives a mis en évidence des liens entre exposition prénatale aux PFAS et :

Les auteurs restent prudents sur la causalité pour les effets neurodéveloppementaux, mais le message devient récurrent : l’exposition pendant la grossesse est une phase particulièrement sensible.

Immunité et vaccins : un affaiblissement documenté

L’un des résultats les plus robustes de ces dernières années concerne l’impact des PFAS sur le système immunitaire. Plusieurs études menées dans des régions fortement exposées – notamment au Danemark et aux îles Féroé – montrent que des concentrations plus élevées de PFAS dans le sang des enfants sont associées à :

En 2022, un rapport majeur des Académies nationales des sciences, d’ingénierie et de médecine des États-Unis a estimé que la diminution de la réponse vaccinale liée aux PFAS était « clairement établie », au point de recommander un suivi médical spécifique pour les personnes les plus exposées.

Dans un contexte post-Covid où l’efficacité vaccinale est un sujet sensible, l’idée que des polluants chimiques puissent grignoter silencieusement nos défenses immunitaires mérite qu’on s’y attarde.

Foie, reins, hypertension : des organes en première ligne

Le foie et les reins, principaux organes de filtration, paient logiquement un lourd tribut.

Côté foie :

Côté reins :

Ces effets s’ajoutent à ceux des autres facteurs de risque (alimentation, tabac, sédentarité). Les PFAS ne sont pas « la cause » unique, mais un poids supplémentaire sur une balance déjà chargée.

Sommes-nous tous contaminés ? La réponse est courte : presque

Les études de biosurveillance menées en Europe et en Amérique du Nord sont sans appel : la quasi-totalité de la population générale présente des PFAS mesurables dans le sang.

En Europe, des programmes comme HBM4EU ont montré que :

En Suisse, plusieurs sites industriels et zones autour d’aéroports ou de casernes ont fait l’objet d’alertes médiatiques ces dernières années, avec des contaminations de sols, d’eaux souterraines et parfois d’eau potable dépassant les nouvelles normes européennes. Les données nationales restent encore fragmentaires, mais il serait illusoire de penser que le pays est à l’abri.

La vraie question n’est donc pas : « Ai-je des PFAS dans le sang ? », mais plutôt : « À quel niveau, et avec quelles conséquences à long terme ? »

Y a-t-il un niveau « sûr » d’exposition ? Le débat se resserre

La toxicologie classique aime les seuils : en dessous de telle dose, pas de danger ; au-dessus, attention. Avec les PFAS, ce schéma est remis en cause.

En 2020, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a fixé une « dose hebdomadaire tolérable » extrêmement basse pour quatre PFAS majeurs (PFOA, PFOS, PFNA, PFHxS), basée principalement sur l’effet immunitaire (réduction de la réponse vaccinale). Signe de la nervosité des experts : cette valeur est des dizaines de fois plus stricte que les références précédentes.

Depuis, plusieurs instances ont encore durci le ton :

Cette inflexion est lourde de sens : elle signifie que les législateurs eux-mêmes doutent de la notion de « petite dose inoffensive » pour ce groupe de substances très persistantes, bioaccumulables et multifocales (elles touchent plusieurs organes et systèmes à la fois).

Peut-on se protéger individuellement ? Quelques gestes qui comptent vraiment

Dans un monde saturé de PFAS, « zéro exposition » est illusoire. Mais des choix quotidiens peuvent réduire significativement la dose reçue, notamment par les voies les plus critiques : alimentation, eau, produits de consommation courante.

Quelques leviers concrets :

Ces mesures ne règlent pas la pollution mondiale, mais elles réduisent le « bruit de fond » d’exposition, particulièrement pour les femmes enceintes et les enfants, les plus vulnérables.

Réglementer des polluants éternels : un test politique majeur

Face à des substances persistantes, invisibles, aux effets multiples et différés, la régulation est un exercice de haute voltige. Les industriels plaident souvent l’incertitude scientifique ; les ONG, elles, rappellent que cette incertitude joue rarement en faveur de la population.

En Europe, plusieurs dynamiques se dessinent :

En Suisse, la pression monte également pour adopter des limites harmonisées avec, voire plus strictes que, celles de l’Union européenne et pour cartographier plus systématiquement les sites contaminés (anciens champs de tir, zones industrielles, aéroports, etc.).

Un point crucial, souvent passé sous silence : remplacer un PFAS par un autre PFAS « de nouvelle génération » n’est pas une solution, quand on sait que beaucoup de substituts se révèlent, à leur tour, problématiques. Les scientifiques parlent de plus en plus de « regrets de substitution ».

D’où l’orientation proposée par de nombreux experts : sortir progressivement de la dépendance aux PFAS pour tous les usages « de confort » (emballages jetables, textiles non essentiels, cosmétiques), et les réserver, éventuellement et temporairement, à quelques applications vraiment critiques (médical, certaines technologies de pointe), sous contrôle strict.

Changer le récit : du confort chimique à la santé publique

En filigrane, le dossier PFAS raconte l’histoire d’un compromis implicite que nos sociétés ont accepté : un peu plus de confort, un peu plus d’antiadhésif, un peu plus d’imperméabilité… en échange d’une contamination diffuse de notre environnement et de nos organismes, pour des décennies, voire plus.

Les dernières études scientifiques sur la santé humaine resserrent l’étau : cancers, perturbations hormonales, atteintes immunitaires, impacts sur la grossesse et le développement de l’enfant… Le tableau dessiné n’est plus celui d’un risque théorique, lointain, réservé à quelques ouvriers en combinaison blanche. C’est celui d’un enjeu de santé publique global.

La bonne nouvelle, si l’on peut dire, c’est que les PFAS sont devenus un symbole puissant. Ils cristallisent tout ce qui ne fonctionne pas dans notre manière de concevoir, produire et réguler les substances chimiques : manque de transparence, tests insuffisants avant mise sur le marché, inertie réglementaire. En s’attaquant sérieusement à ce dossier, en Suisse comme ailleurs, on ouvre une brèche pour repenser l’ensemble.

En attendant, chacun peut, à son échelle, poser quelques questions dérangeantes à ses marques préférées, à ses élus, à ses fournisseurs d’eau. Et surtout refuser l’idée que ces « polluants éternels » seraient un prix normal à payer pour une poêle qui n’accroche pas.

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